Black swan de Darren Aronofsky (2011) par Bruce Kraft

Nina est ballerine au sein du très prestigieux New York City Ballet. Sa vie est entièrement vouée à la danse et lorsque Thomas Leroy, le directeur artistique remplace  Beth Mcintyre, en fin de carrière, pour leur nouveau spectacle,Le Lac des cygnes, par Nina. Lily, l’anti thèse de Nina intègre la troupe. L’oeuvre exige une danseuse capable de jouer le Cygne blanc dans toute son innocence et sa grâce, et le Cygne noir, qui symbolise la ruse et la sensualité. Nina est parfaite pour danser le Cygne blanc, Lily pour le Cygne noir. Le rapport entre les deux jeunes femmes deviennent troubles et le côté sombre de Nina apparaît.

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CYGNES HAUTS DE DÉTRESSE.

C’est nul et chiant!!!! C’est un peu ce que certains devaient attendre de moi comme réaction au vu du pitch et de ce que j’avais dit en voyant la bande annonce sur quelques blogs. Il est vrai que le monde de la danse m’est nettement moins familier que celui du catch qu’Aronofsky avait exploré avec «The wrestler», que voulez vous je suis un homme…

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Je pourrais vous dire, comme vous l’avez lu de partout dans les mags ciné, qu’Aronofsky a bénéficié d’un budget assez mince, qu’il s’est inspiré du roman de Andrés Heinz et du film «Les chaussons rouges» (1948), que Natalie Portman s’est investit pour le rôle en prenant des cours de danse intenses (pendant 10 mois avec 5 heures de danse tous les jours!!), que Clint Mansell est encore de la partie pour la bande originale mélangeant classique et électronique, que Lily est interprêtée par Mila Kunis qui incarnait Jackie dans « That’s 70’s Show » et patati patata….Mais je préfère vous parler de ce que vous allez voir.

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En effet «Black Swan» c’est un flot d’émotions visuelles intense et saupoudré d’une histoire dramatique. Avouons qu’elle reste d’ailleurs le point faible du film car il n’y a pas grand mystère autour du profil psychologique de Nina et des enjeux du scénar’. Cependant ne me faîtes pas dire ce que je n’ai pas dit car l’histoire de notre ballerine intéresse et on suit attentivement le parcours de cette danseuse en quête d’une perfection absolue mais qui n’a pas intégré l’idée que la discipline n’engendre pas forcément l’émotion dans la danse.

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Aranofsky malmène son héroïne physiquement et psychologiquement comme il l’avait déjà fait pour Mickey Rourke dans «The wrestler» et montre ainsi le dévouement total des danseuses à cet art qui exige tout de ses pratiquants. C’est à ce moment qu’on acclame le travail d’Aronofsky qui fait de la caméra le témoin muet, avec de nombreux plans sur les pieds ou les corps torturés, de cette exigence presque inhumaine.

Monstre d’intelligence et de création, le new-yorkais filme avec toute la technique qu’on lui connait. La caméra se fait proche des acteurs et n’hésite pas à «oublier» la moitié des corps des danseurs pour se concentrer sur la souffrance des visages et le souffle de ces «athlètes». Aronofsky mène rondement sa barque au point même qu’un simple plan peut cacher de petits trésors (le plan large où Nina est face à sa coach qui, elle, est filmée de dos, ne semble pas intéressant et pourtant, regardez le dos de la coach…Ne serait-ce pas en fait une façon de montrer celui de Nina que l’on ne voit pas? Cubisme corporel?).

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Mais visuellement le trésor ne serait-ce tout simplement pas le visage de Natalie Portman qui n’a jamais été aussi expressif dans toute sa carrière. Une actrice que l’on suit non-stop dans sa sexualité débridée latente (une homosexualité sauvage le temps d’un cunnilingus duelliste et intense) soufflée par le directeur de la troupe avec Vincent Cassel en exemple de sobriété (Ouf!! ça change.), sa nature de prédatrice contenue et dont la folie schizophrénique s’immisce en elle comme un poison noir coulant dans les veines. Physique et psychologique. Blanc et noir. Nina digère le cygne blanc mais transpire le cygne noir.

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Il ne manque en réalité, en plus de cette faiblesse de scénar’, qu’un peu de folie  qui aurait envoyée le film au rang des films cultes (Wynona Rider qui incarne Beth est à la limite plus border line et inquiètante que Nina au travers d’une fin de carrière physiquement cauchemardesque). Ne boudons pas notre plaisir car Aronofsky nous assène quand même, et cela devient récurrent dans ses films, vingt dernières minutes explosives qui nous essouflent de bonheur sous le joug d’une musique connue de tous et qui raisonnera encore dans nos têtes pendant longtemps comme les applaudissements d’un public à la fin d’une représentation. Du grand art.

Excellent!!!
Excellent!!!

« Black Swan » de Darren Aronofsky. Distribué par Twentieth Century Fox. Avec Natalie Portman, Vincent Cassel, Mila Kunis, Wynona Rider. Durée: 1h43.


 

24 commentaires

    • Et oui et je dirais que c’était plutôt une bonne chose de ne pas y croire avant d’aller le voir puisque la satisfaction es t d’autant plus grande…hé hé!!

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  1. Sans être vraiment déçu, je suis obligé de reconnaître que ce film n’est pas à la hauteur des critiques les plus élogieuses dont il bénéficie. C’est un bon film, c’est vrai, mais la naïveté avec laquelle Aronofski expose le passage de l’innocence à la prédation, est tellement grossier, que cela réduit l’impact du film. A choisir, je préfère Carrie, qui veut dire à peu près la même chose… (bon, pas totalement, je le reconnais)

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    • Naïf? Et bien ce passage correspond tout à fait au caractère de Nina qui est plutôt prude et…naïve ce qui renforce le fait que la caméra n’est que spectatrice d’un comportement à l’inverse de Carrie qui est plus scénarisé et moins instinctif.

      Cepndant je suis d’accord avec toi sur le fait que les deux destins sont assez semblables.

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    • Merci!! Et bien en fait Clint Mansell accompagne Aronofsky sur chacun de ses films et obligé d’admettre qu’il fait toujours mouche, il suffit d’entendre la B.O. de Requiem for a dream pour s’en convaincre..

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  2. Chouette critique ! 🙂 J’ai aussi adoré le film, dont j’ai fait une critique très élogieuse sur mon blog, sans la réserve sur le scénar’.

    Il n’y a en effet pas de mystère autour de l’état psychologique du personnage et on devine vite comment ça va finir, mais je ne l’ai pas vu comme une faiblesse, plutôt comme le déploiement d’une mécanique implacable, qui renforce la tension et la douleur qu’on peut avoir à regarder cette jeune danseuse se détruire de plus en plus.

    C’est vrai par contre que si le film avait été réalisé par quelqu’un d’autre (de plus sage, conventionnel), l’intrigue aurait pu sembler moins intéressante puisqu’elle joue avec de nombreux codes et personnages-types connus de tous. Et en matière de folie et paranoïa, la liste des classiques ciné est longue et il est dur de surpasser Polanski ou Lynch sur ce terrain-là.

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    • Pour le scénar’ je pense que lorsque un réal’ dévoile vite son jeu il se doit de renforcer l’impact visuel et sentimental du film et faire oublier au spectateur « qu’il connait la fin »…ce qui n’est pas toujours le cas selon moi dans Black Swan.

      Lynch? Alors là je ne pourrais pas en dire autant que toi sur son travail puisque je suis, de manière totalement intolérante, hermétique à ce qu’il propose. Ce grand (et oui, on peut ne pas aimer et juger le talent quand même!lol!) réalisateur a largué volontairement son auditoir au profit de scénar’ incorporant des éléments incompréhensibles si….Un cinéma élitiste réservé à sa propre personne.

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  3. Ca y est je l’ai vu !

    Et je serai moins enthousiaste que toi Boss !

    Oui l’image est magnifique avec une mise en valeur des corps, de leur langage, de leur souffrance juste somptueuse. En plus moi qui suis plutôt hermetique au ballet, là j’étais emporté car en filmant juste des parties du corps il rend le tout plus viscéral
    Oui les interprètes sont géniaux avec une mention particulière (et ça me tue de devoir l’admettre) à Vincent Cassel (même si par contre Winona Ryder est un peu too much)

    Mais je suis plus partagé quand au reste : la relation mère/fille n’est assez jusqu’au boutiste et violente tout comme la folie de Nina.
    Ainsi si dans le ballet final la tension monte en flèche pour atteindre des sommets lors du passage du cygne noir (où là j’étais dedans, prenant un pied monstre) elle redescend comme un soufflet avec une fin bien trop convenue et pas assez couillue à mon goût (le thème de l’auto-mutilation est au final banal).
    Voilà cette prise de risque est apparue pour moi somme toute limitée, n’allant pas assez loin dans la folie (avec en plus un petit manque de subtilité dans son traitement et quelques incohérences : quand elle va rendre visite à Beth et qu’elle ressort avec la lime à ongle ensanglantée, d’où provient il ? S’est elle mutilée ou est il imaginaire) et n’osant ainsi pas rejoindre l’un des films phares de Aronofsi et qui transpire tout au long de Black Swan : Perfect Blue de Satoshi Kon.

    Donc vlà ma note Bruce : 4.5

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    • Belle analyse mais étant un fan d’esthétisme visuel, la faiblesse de certains points du film (scénar’ ou relation mère/fille) sont passés au second plan pour moi car il ne faut jamais oublier qu’Aronofsky c’est du cinéma « physiquement cérébral ».

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  4. Je suis d’accord mais là c’était plus physique que cérébral. Il n’en reste pas moins que c’est un bon film, qui a en plus le mérite d’aborder et rendre fascinant un univers qui à la base ne me parle pas

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  5. Assez déçu par le bouzin quand même.
    Je m’étais fait un scénar’ de fou pendant tout le film, idéalisé la fin vers une folie et une paranoïa absolue et je me prends une quête de la perfection en pleine face rendant l’ensemble vain et même incohérent par moment.
    Sinon, oui, c’est joli, belle performance physique en plus, musique splendide, mais tellement creux au final.
    Le père Aronnofski n’a pas eu le courage de perdre son public dans une abîme de folie et a joué la carte de la sûreté et de la tiédeur.
    A un torrent, il a préféré un ruisseau.
    Franchement, si faut faire ça pour avoir un oscar, autant préférer un prix à Gérardmer….

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  6. Plus encore que le film que j’ai adoré, c’est un réel plaisir que de lire ta critique (super bien écrit).
    Et je suis bien d’accord avec toi quand tu dis qu’il manque un petit quelque chose au film. Est-ce un peu de folie, comme tu dis ? Ou un peu plus de matière dans l’histoire ? Je ne sais pas, mais néanmoins, c’est déjà assez riche comme ça.

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    • Merci beaucoup pour cet encourageant commentaire….Pour une fois que je m’applique!lol!

      Tu as raison…c’est déjà bien assez riche et contrairement à certains films où ce manque peut vraiment décevoir (je pense à « Bronson » que beaucoup ont adoré!!) là ce n’est pas le cas….On se dit seulement: »peut-être la prochaine fois! ».

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  7. Pour la note on va dire 4.

    Je sais ça peut paraitre sévère mais c’est pour punir le manque de folie qui empêche le film d’atteindre la sphère des chefs d’oeuvre

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    • Oh mais ton avis peut se justifier autant que le mien!! Chacun ressent les choses comme il l’entend quand même!! C’est une équipe incarnant la liberté d’expression!!!

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