Invisible Man, de Leigh Whannell (2020), par Sékateur

Encore un film dit féministe, estampillé « Me too », bordel y’en a mare de surfer sur les modes, et en plus d’utiliser un énième « remake » pour porter ce message bien-pensant, et bassement mercantile.

Voilà, je me fais l’avocat du diable, avant de parler du film lui-même.

En effet, on peu parler de film post-Me Too, mais en aucun cas de « remake »

Car le principe de l’homme invisible, même s’il est issu d’un classique de la SF, a toujours offert une déclinaison singulière du sujet, se démarquant radicalement de l’œuvre originelle. Ainsi, le roman de H.G Wells n’a rien à voir avec « les aventures d’un homme invisible » du pape Carpenter, ou encore « L’homme sans ombre » de maître Verhoeven. Le seul à ma connaissance à tenter d’adapter le roman est le film de James Wale de 1933 (que je n’ai pas vu.)

Nous avons donc le droit ici à une nouvelle variation du sujet, orienté « Me Too », oui, inutile de se voiler la face, il s’agit ici de l’exploitation lourdingue d’un thème SF pour délivrer un « message » dit féministe.

Pourquoi pas.

Fort heureusement, le film sort un peu de ses carcans pour nous délivrer un scénario plutôt sympa, et des péripéties tout aussi sympas. Pour être franc, moi qui ait vu pas mal de film, et qui au bout d’une demi-heure, n’attendait plus grand-chose de celui-ci, j’ai tout de même été surpris par une scène. C’est déjà beaucoup, pour moi. Ça élève même le film du rang de simple anecdote…

Pour le reste, bien sûr, ce long-métrage ne parvient jamais à s’extraire du simple produit hollowoodien. On pourra dire dommage, il y avait du potentiel, mais au final, l’évidence est éclatante. Ce film gâche la plupart de ses atouts pour toujours rester « efficace », « tendu », et pour soigner son suspense, au mépris de la cohérence scénaristique.

Difficile d’en parler sans spoiler. Très difficile. Je ne suis pas certain de tenir jusqu’au bout de l’article !

Le scénario est vraiment intéressant, inventif, pervers et riche. Manque de bol, le réalisateur a juste voulu fournir un produit bien fait, et point barre. Je ne ressens aucune implication personnelle dans le projet. Aucune conviction. Il a fait son film et l’a livré pour « plaire » aux féministes et à ceux qui aiment les films de SF à suspense. Car oui, en effet, il y a du suspense.

J’ai envie de dire « dommage ! » sur ce nombreux points de scénarios, car ils nuisent à la crédibilité de la situation. Je ne peux pas en parler sans spoiler. Je me permettrais juste de souligner que si mon frère m’envoyait un mail en me disant que je suis en gros con, un vrai enfoiré, un sac à merde, alors que j’étais invité chez lui à bouffer la semaine dernière, et qu’on ne s’était pas engueulé, j’aurais un gros doute sur la provenance de ce mail. En tout cas, j’essaierai de comprendre avant de rejeter intégralement mon frère.

Voilà, j’ai spoilé, là ? Non…

Cet effet de scénario n’est qu’un détail parmi d’autres. Le problème, c’est que l’histoire est vraiment intéressante, mais que le scénario se contente de faire de l’efficace pour la forme, au détriment du fond. Ce qui rend cet « Invisible Man » assez anodin, malgré ses qualités formelles. J’ai le sentiment qu’on a voulu jouer avec la mouvance « Me Too » en utilisant des « ingrédients » en se moquant éperdument de la cohérence du long-métrage.

Les qualités formelles sont bien présentes, je dois l’avouer. La réalisation est bien fichue, les angles recherchés, l’ambiance au cordeau, le suspense de certaines scènes est palpable. Et que dire de l’actrice, Elisabeth Moss ? Juste parfaite, comme d’habitude. Je ferais d’ailleurs une corrélation logique avec le rôle qu’elle incarne (brillamment) dans la servante écarlate. On la voit dans la première saison comme une personne « acclimatée » à sa nouvelle condition, certes à contrecœur, mais qui encaisse pas mal de violences sans se rebiffer. Pour devenir une Warrior Killer dans la saison 3. On a ici la même chose, en deux heures de film. Ce qui rend l’ensemble un peu bancal, à mon avis. Déjà que dans la série, c’était limite, c’est ici carrément capillotracté…

Mais admettons.

La situation de départ, plutôt anxiogène se décline de manière très classique. Sans doute trop. Une entité invisible commet des actes répréhensibles en vous faisant accuser, même devant témoins, car personne n’irait jamais imaginer que c’est une personne invisible qui commet l’acte. Putain, on a vu ça combien de fois dans le ciné fantastique ? Les clichés ont la vie dure…

Je peux revenir sur le casting, pour l’ensemble de grande qualité. Que ce soit la sœur de notre victime bafouée ou son meilleur ami, un black de la police, méga-baraqué…

… oui, allez, j’en parle, merde ! Ce flic est un black immense et hyper-baraqué… Et pourtant, il va se trouver en difficulté contre un homme invisible, qui soyons honnête…

… bref.

Il fallait une scène d’agression, c’est normal. Faut bien ça pour faire de l’héroïne une victime bafouée. On peu arguer que l’homme invisible est un sale type, et ce que celle seule raison suffit à expliquer la scène. Sauf qu’au bout du compte, il souhaite obtenir quelque chose d’elle qui nécessite qu’elle soit bien portante. Et que donc, les coups qu’il pourrait lui porter pourrait nuire à son objectif. Vous suivez ? J’ai rien spoilé, non, c’est pas vrai ! En tout cas, s’il y a une scène d’agression, elle est gratuite, juste pour le fun, dans l’esprit du scénario, elle reste inutile et même incohérente…

Je pourrais citer encore plusieurs exemples de ces facilités scénaristiques, qui révèlent uniquement une volonté de cocher les cases d’un cahier des charges. C’est un peu triste.

Pour conclure, je dirais que le mouvement féministe mérite mieux que ce film pour être représenté, et que Elisabeth Moss aurait mérité de jouer dans un meilleur film, au vu de sa performance irréprochable. Ce projet pue l’opportunisme mercantile à plein nez et toutes les compétences techniques accumulées ne parviennent pas à offrir une consistance artistique à ce film. Il s’agit donc, au final, d’un produit de consommation. Il fera son petit effet l’espace de quelques semaines et finira dans l’oubli. Je peux me tromper, mais je ne le vois pas devenir une référence du genre…

Se laisse regarder avec parfois de bons moments, mais l’ensemble pue tellement la facilité, qu’en fin de compte, c’est un peu de la merde…

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