Lords of chaos de Jonas Akerlund (2018) par Marc Shift

A la fin des années 80, au fin fond de la Norvège, un guitariste révolutionne la musique extrême et fait exploser le courant du Black métal avec son groupe Mayhem. Mais ce mouvement, à l’idéologie radicale entraînera les principaux protagonistes dans une spirale de violence….

Amour, gloire et cruauté

Alors attention, malgré les apparences, ce n’est pas vraiment un film dédié au black métal. Pourtant difficile de faire l’impasse sur le sujet tant le thème est important dans la narration de ce film. Oui on commence par une belle contradiction, d’un film qui est de toutes façons basé sur une série de mensonges (et il y en a un paquet, qui perdure toujours d’ailleurs) et qui a été fait sans l’accord (ni les droits musicaux) des différents protagonistes. Enfin ceux qui sont encore vivants.

Donc de quoi parle vraiment le film ? Et à qui s’adresse t’il ? Car c’est clair que le fan / adorateur de black métal ne va pas y trouver son compte. N’ayant pas eu les droits, le réalisateur va faire l’économie de la bande son, hormis l’intro d’un morceau emblématique et quelques secondes de musique agressive ici et là. Mais ce n’est pas la seule chose qui manque, loin de là. Alors le film parle t’il de cette période de la vie entre la post adolescence et on va dire la « vraie » entrée dans la vie adulte ? En gros la période 18 – 28 ans, avec parfois son mal être, et une certaine forme de radicalisme romantique ? Le film parle t’il donc de quête d’identité ? Oui, mais aussi de black métal donc.

En clair difficile d’accrocher à ce film si on ne s’intéresse pas au black métal du tout. Si le film est centré sur la compétition (réelle) entre 2 personnalités et à leur rivalité, le réalisateur fait clairement des choix assez cohérent dans le cadre du film mais pas toujours forcément réalistes. Car difficile d’occulter le contexte. Bon tout ça ce n’est pas très clair c’est un peu le serpent qui se mord la queue ce film.

Concentrons-nous sur le versant psychologique du film, la rivalité, qui est assez bien traité. Ni caricatural ni véritablement réaliste, c’est une version plutôt cohérente (dans l’écriture et le traitement), avec des éléments assez pertinents, des personnalités marquées (encore heureux vu le sujet), et avec de bons acteurs. Toutes les séquences ne sont pas non plus réussies, notamment entre « Dead » et « Euronymous » (dans les bois notamment pour ceux qui ont vu le film), qui en fait sont inutiles (d’autres séquences, plus courtes, sont plus parlantes sur leur relation). Jonas Akerlund a fait ses choix, encore une fois plutôt cohérent, suffisamment clairs. Il a quand même pour lui, même fugacement, d’avoir été l’un des premiers batteur de Bathory, groupe culte et influence majeur de … Mayhem, il connait donc un minimum l’univers.

Donc ce film n’est pas dédié au Black métal, c’est l’interprétation, tronquée, d’une rivalité meurtrière au sein de cette communauté. Et à cause de ce choix il manque énormément de chose. La rivalité entre Oystein Aarseth « Euronymous » et Kristian « Varg » Vikernes dit « count Grishnackh » (joué par un comédien juif, ce qui est drôle vu l’antisémitisme assumé de Varg…) y est mis en avant, tout le film tourne autour de ça. Le mythique « Dead » chanteur qui effectivement a contribué à faire reconnaître le groupe par son suicide (extrêmement réaliste) qui laissa entre autre une trace de son passage dans le groupe avec le live culte à Leipzig, juste rebaptisé « Pele » pour l’occasion dont on ne saura pas grand choses, sinon qu’il n’aime pas les chats, Pele, et qui tient une bonne place dans le récit. Et puis c’est tout.

Et les autres alors ? Car autours d’Euronymous gravite l’ensemble de la scène de l’époque, notamment Emperor et son batteur Faust, auteur du premier meurtre, qui là arrive comme un cheveu sur la soupe et disparaît du récit. C’est dommage, car le meurtre est vraiment filmé d’une manière assez réaliste (toutes les scènes violentes sont crues, réalistes et glauques). Alors n’abordons même pas les liens avec les gars d’Immortal, Enslaved et autre. Au niveau des « autres » faits divers, pas loin de 80 églises ont été brûlé sur la période par ce qui était devenu un groupuscule extrémiste, est pas sûr qu’Euronymous (et d’autres) soit l’oie blanche vendu dans le film.

Le réalisateur a sans doutes voulu simplifier le récit, et c’est dommage parce qu’en fait le film est assez réussi, il aurait gagné à aller plus loin, à densifier à peine plus, car au niveau des acteurs pas de fausses notes (pas de doutes, ils sont bien dirigés), au niveau visuel ça tient largement la route (Akerlund est aussi un clipper reconnu, notamment pour Rammstein), et à part quelques scènes de trop (pour moi) le découpage du film fonctionne très bien. Il faut voir ce film comme un témoignage parcellaire d’une l’époque révolue, et c’est déjà pas si mal.

Lords of chaos de Jonas Akerlund (RU, Suède, 2018) avec Rory Culkin, Emory Cohen, Sky Ferreira… durée 1h58

4 commentaires

    • Alors le film est réussis, par contre si en attends de la réalité au niveau des faits historiques on y est pas. Et j’aurais pu faire un article au moins 5 fois plus long pour décortiquer tout ça en plus des partis pris du réal qui déconstruit en parti le mythe, ce qui me plaît vraiment beaucoup.

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