M Le Maudit de Fritz Lang (1931) par Marc Shift

Toute la presse en parle, un tueur d’enfant terrorise la ville et vient de faire une nouvelle victime. La police, dépassée par les événements, multiplie les rafles et les interrogatoires. Gênée par toute cette agitation la pègre décide à son tour de partir à la recherche du meurtrier.

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COMME UN EMBLEME.

Premier film parlant pour Fritz Lang, qui s’attaque donc à l’une des évolutions majeures du cinéma. C’est qu’en 1931 on pourrait croire que nous n’en sommes qu’à la préhistoire du cinéma, alors que rien n’est plus faux! En une petite trentaines d’années le cinéma a déjà inventé toutes les techniques qui existent encore aujourd’hui (ralentis, synchronisation sonore, système d’éclairage…..) seules arriveront plus tard la 3D et la couleur, tout le reste n’étant qu’amélioration des techniques déjà existantes. Pourquoi toutes ces précisions ?

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Pour faire comprendre que dès les débuts du cinéma, il y a eu de grands cinéastes et de très grands films. D’ailleurs l’une des forces de Fritz Lang, c’est qu’il a déjà réalisé une douzaine de films muets (dont le mythique « Métropolis »), et donc il sait comment composer une image porteuse de sens. Le scénario est basé en partie sur un tueur en série qui sera baptisé par la presse « le vampire de Düsseldorf » (Peter Kürten) et le film rentre directement dans le vif du sujet.

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Dès les premiers instants on ressent une impression de malaise, avec des enfants chantant une comptine macabre et une mère de famille à son balcon leurs demandant de se taire. Oui ces images mettent mal à l’aise, la mère au balcon se promène à travers son étendoir à linge, et grâce au cadrage, à l’éclairage et à l’ambiance sonore le film prend immédiatement à la gorge créant un sentiment d’inquiétude et d’attente, sentiment qui nous accompagne autant que la mère, se plongeant dans ses taches quotidiennes, malgré son angoisse grandissante (avec de sublimes mises en abimes visuelles) qui ne reverra jamais son enfant revenir.

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Si dès le début du film le tueur apparaît brièvement, précédé par un sifflement entêtant, (dont l’air m’échappe encore, si quelqu’un peut me dire ce que c’est….), puis par son ombre inquiétante, c’est que l’enjeu plus ce qui ce met en place autours de lui car l’enquête policière est plutôt mise en œuvre maladroitement et dans un premier temps totalement inefficace. La pègre, mise sous pression et cherchant à tout prix à ne pas être amalgamé avec ce tueur se met elle aussi à le rechercher activement.

A ce titre l’enquête croisée entre les deux parties est un modèle de montage,  le film devenant de plus en plus intense et où la pègre se montrera plus efficace que la police.  A ce titre la séquence se déroulant dans l’usine où « M » est piégé s’avère être un modèle d’intensité l’issue en étant très incertaine.

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Si cette traque concerne les trois quart du métrage, ce qui suit est de la plus grande importance pour Lang, un autre morceau de bravoure du film : M (le meurtrier) est mis en jugement par tout ce que la ville compte de truands, voleurs, tueurs, violeurs….. ce qui permettra à Lang de mettre « M » en face de sa culpabilité.

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La culpabilité est un thème important dans les oeuvres de Lang,  et ce film n’a que ce but : mettre face au peuple (au travers d’un aveugle) ce qui représente la menace ultime, le monstre à éliminer à tout prix : le pédophile. Le film n’est à aucun moment complaisant, ni avec le tueur (Malade? Fou?) ni avec le peuple (ivre de vengeance? Ivre de peur?), aborde le thème de la peine de mort (peut on tuer un fou? Doit on tuer un malade?) et même celui du récidivisme (quelle réponse la justice civile peut apporter à ça?).

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Fritz Lang n’apporte pas la réponse, d’ailleurs certains de nos politiciens avides de renommées et démagogiques essayent encore d’apporter des réponse toutes faites à un problème aussi complexe que marginal. Ce film est d’une richesse incroyable, avec un acteur qui m’a vraiment époustouflé Peter Loore (« M »), offrant une composition extraordinaire, et même si parfois les autres acteur sont un poil plus théâtraux dans l’attitude (mais seulement par moment), ils sont largement à la hauteur de l’entreprise.

Entre culte et chef d'oeuvre
Entre culte et chef d’oeuvre

 M Le Maudit de Fritz Lang (1931, All) avec Peter Lorre, Otto Wernicke, Gustaf Grundgens…. durée 1h29

 

6 commentaires

  1. Bordel ! Tu m’as donné envie de le voir, ce film ! J’aime beaucoup les vieux films, les classiques, car finalement ils ont moins mal vieilli que certains films en couleur bien plus récents. J’ai
    adoré le premier Ben Hur, Freaks, les Visiteurs du soir, Metropolis (merci France 3/5)… et celui-là, avec ce que je viens de lire, il me le faut !

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  2. La première fois que je l’ai vu c’est au lycée en cours d’allemenand. Sur le coup j’avais rien compris (et oui j’ai toujours été une bille en langue étrangère ^^). Quelques années plus tard j’ai
    enfin pu le voir avec des sous titres et m’apercevoir que le petit crétin que j’étais quelques années plus tôt était passé à côté d’un grand film, que dis-je d’un monument du 7eme art

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  3. L’attitude théatral découle justement du cinéma muet, les acteurs était plus expressifs, avec tout leur corps, pour palier à l’absence des mots.

    Un grand film, surtout qu’au premier visionnage, on pense qu’on va tomber sur un sadique qui fait ça par plaisir alors que non, c’est un malade.

    Lang, une valeur sûre, du moins, en Europe !

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  4. wah ! mais c’est que ce bog deviendrait presque intelligent… ;o)

    sauf que petits détails pour emm… tout le monde :

    – le 1er film en couleurs date de 1922 (bon des couleurs toutes pourrites c’est vrai, mais des couelurs quand même !)

    – il y a des gros débats sur le 1er film en 3D : on parle souvent des années 50, mais la vision stéréoscopique préexiste au cinéma ! il a existé de nombreuses expérimentations antérieures,
    probablement dès les débuts du cinéma, mais sur des formats plus courts qu’un film complet… j’ai lu quelque part qu’un long métrage en 3D avait été identifié dans les années 20… (avec 100
    spectateurs peut-etre, mais en 3D quand même ! 🙂

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  5. J’ étais resté au « grand public », j’ avais pas trop fouillé sur ce domaine particulier, c’ était pour monter qu’ en à peine 30 – 40 quasi toutes les technique ciné avaient été inventé, c’ était
    plus de l’ anecdotique

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